La danse

On sait que la danse peut parfois être indissociable de la musique. Que ces concepts soient liés ou non, qu'ils existent même dans la culture étudiée, la danse est une composante évidente du champ ethnomusicologique.

Les informations que je donne ici sont très largement tirés du livre-disque "les danses du monde" (CNR 574 1106.07) présentés par Hugo Zemp et édité par la collection CNRS/Musée de l'Homme, à la suite de deux autres ouvrages de la même collection consacrés aux "instruments de musique du monde" (CNR 274 675) et [aux] "les voix du monde" (CMX 374 1010.12). Je ne saurai que trop conseiller de les acquérir.

Comme la musique, la danse fait partie de l'héritage culturel d'un peuple, et elle constitue un vecteur puissant d'identité ethnique, sexuelle, de classe d'âge, de hiérarchie sociale. Elle peut être abordée sous de multiples approches. L'anthropologue de la danse  Judith L. Hanna énumère 7 "comportements humains" en ce qui concerne la danse. Ce sont autant de domaines d'études :

- physique : le corps humain libérant de l'énergie à travers des réponses musculaires aux stimulus du cerveau, le mouvement et l'énergie organisée étant l'essence de la danse;

- culturel : les valeurs, les attitudes et les concepts d'un peuple déterminant partiellement les conceptualisations de la danse et ses productions physiques, son style, sa structure, ses modalités d'exécution;

- social : la danse réfléchissant et influençant des formes de l'organisation sociale, la relation entre les individus dans un groupe et entre les groupes;

- psychologique : impliquant des expériences cognitives et émotionnelles, affectées par la vie personnelle et collective d'un individu, et l'affectant à son tour;

-économique : la danse pouvant fournir un complément de revenu ou constituant le revenu principal pour des professionnels; certaines personnes dépensant leurs ressources pour apprendre à danser ou pour regarder ceux qui dansent;

- politique : la danse comme un lieu d'articulation d'attitudes et de valeurs politiques et un moyen de contrôle, de jugement et de changement;

-communicatif : par "le langage du corps", la danse étant un instrument physique ou un symbole permettant d'exprimer des sentiments et des pensées; les mouvements corporels devenant des symboles que les membres de la société comprennent et dont le but est de représenter des expériences du monde extérieur et psychique.

Ces approches touchent de nombreuses disciplines des sciences physiques, humaines et sociales : l'anthropologie physique et la physiologie, en particulier l'étude de la motricité; l'anthropologie sociale et culturelle et ses sous disciplines comme l'anthropologie économique, politique, linguistique, et bien-sûr l'anthropologie de la danse, appelée quelquefois ethnochorélogie; la science de la communication, la sémiotique, et bien-sûr, l'ethnomusicologie.

Plusieurs problèmes se posent, notamment celui de la notation de la danse, qui a donné lieu à plusieurs systèmes d'écriture du mouvement dont les plus importants sont les systèmes Benesch, Conté ou Laban.

Un autre problème est celui d'une définition consensuelle de la danse, beaucoup de celles proposées variant selon le centre d'intérêt de l'auteur.

 

 

Au festival de Koprivchtitsa dans la région du Balkan en Bulgarie. Un groupe de femmes macédoniennes répètent avec un joueur de flûte svorche avant de monter sur le podium.
(Cl. MBLG)

 

 

 

Judith Hanna donne une "définition interculturelle" de la danse  :

La danse peut être définie le plus utilement comme un comportement humain, composé, du point de vue du danseur, 1) de séquences volontaires qui sont 2) intentionnellement rythmiques et 3) culturellement structurées; ces séquences étant formées (4a) de mouvements corporels non verbaux (4b) différents des activités motrices ordinaires et (4c) possédant des valeurs inhérentes et esthétiques.

On regrette souvent dans ces définitions l'absence d'une référence à la musique car il est rare que la danse se conçoive sans musique.

La musique et la danse ont beaucoup d'éléments communs, en premier lieu bien entendu le déroulement dans le temps, la régularité de la pulsation, la périodicité des formules rythmiques, mais également la dynamique (différenciation de la force), l'espace (configuration spatiale des exécutants) et le corps humain (voix du chanteur et de l'instrumentiste, mouvements du danseur).

Plus que des éléments communs, c'est une véritable intimité qui lie la musique instrumentale à la danse, André Schaeffner (in "Origine des instruments de musique") n'hésitant pas à rappeler que "la musique instrumentale, en ses formes les plus primitives, suppose toujours la danse : elle est danse. L'homme frappe le sol de ses pieds ou de ses mains, bat son corps en cadence, sinon l'agite en partie ou en entier afin de mouvoir les objets et ornements sonores [les sonnailles] qu'il porte."

 

 

 

Diverses sonnailles de chevilles et de poignets, faites de coques végétales ou de grelots en métal. (Cl. ER)

 

 

 

On pourra lire avec intérêt les premiers chapitres de cet ouvrage de Schaeffner (incontournable dans son entier du reste pour l'ethnomusicologue), ainsi que le numéro des "Cahiers de musiques traditionnelles", vol 14/2001 consacré au geste musical et dont je donne ici le résumé :

 Seuls la musique des sphères, la harpe éolienne et quelques instruments électroniques récents se passent de l'homme pour être mis en vibration. C'est finalement au corps humain que revient le rôle d'agitateur, de stimulateur et d'organisateur de la matière sonore. Au plus intime du corps naît la voix. A l'origine cachée du chant, un mouvement intérieur se traduit en geste phonatoire. La danse n'est pas loin : les pieds, les mains, spontanément, répondent à ce surgissement dont l'oreille assure le relais. Comment naît le geste vocal ? Comment vient la danse ? Comment l'instrument accueille-t-il celui qui en joue, comment s'adapte-t-il à la physiologie humaine ? A quelles impulsions obéissent le souffle, la voix, les mains, les doigts ou les pieds lorsqu'ils se meuvent pour produire des sons, et quelle est la part des automatismes dans le geste "intérieur" - geste "antérieur" au son - qui conduit le jeu du musicien ? Telles sont, parmi d’autres, les questions qui se posent lorsqu’on pense aux mouvements de la musique dans l’homme, lorsqu’on réfléchit aux gestes de l’homme musicien.

 

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