Les cordophones

            Tout instrument dont le son est produit par la mise en vibration d’une ou de plusieurs cordes appartient à cette catégorie.

            Dans la classification Sachs et Hornbostel, ce n’est pas le mode de mise en vibration des cordes qui détermine les familles mais la façon dont les éléments constitutifs présents sont agencés entre eux.

            L’arc musical est le cordophone le plus simple dans sa structure, et à ce titre on reconnaît en lui, à tort ou à raison, l’ancêtre de tous les autres. Il se présente grosso modo comme un arc, d’où son nom. Il n’a généralement pas de caisse de résonance fixe (c’est la bouche qui, comme sur la guimbarde sert de caisse, modulable). La corde est frappée par un petite baguette.

            Un type un peu plus développé comprend une caisse de résonance formée par une calebasse ou une noix de coco ouverte qui amplifie la sonorité propre de la corde frappée. On est donc face à un cordophone composé, comme beaucoup d’autres d’une corde, d’un manche supportant la corde et d’une caisse. cet arc est joué par pincement et par frappement.

            On note que certains arc musicaux peuvent être jouée par soufflement.

 

L'arc musical est probablement à l'origine de tous les instruments à cordes. Il n'est constitué que d'un morceau de bois flexible sur lequel est tendue une corde (métallique ou autre) que l'on frappe au moyen d'une baguette. Son existence serait attestée dès la préhistoire par la représentation trouvée dans la grotte des trois frères dans le département de l'Ariège en France. L'arc et ses descendants ont été traités de façon brillante par André Schaeffner dans son "Origine des instruments de musique" (voir biblio.). J'y renvoie donc pour davantage d'informations. L'arc peut être amplifié par la bouche (c'est l'arc en bouche utilisé dans certaines régions d'Afrique, par exemple) ou par l'adjonction d'une caisse rapportée, en calebasse notamment. C'est le cas du berimbau brésilien (à droite sur la photo) très en vogue aujourd'hui avec la mode de la capoeïra (danse & technique de combat développée par les esclaves noirs du Brésil, et qui s'accompagne de l'arc berimbau). (Cl. ER).

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            Le pluriarc est constitué par le rassemblement de plusieurs arcs sur une caisse de résonance qui leur est commune.  Essentiellement africain, il est joué par pincement.

 

Pluriarc africain

                                  

            La harpe reprend la notion de pluralité de cordes mais au lieu que chacune soit tendue sur un arc constituant son propre manche, toutes les cordes sont attachées à un manche unique. La caisse et le manche sont dans le prolongement l’un de l’autre, formant un angle plus moins ouvert. Les cordes sont superposées les unes aux autres dans un plan perpendiculaire à l’instrument.

            La harpe ne connaît que le mode de mise en vibration des cordes par pincement. Il faut noter aussi que la disposition des cordes ne permet pas leur raccourcissement par appui sur le manche. Chaque corde sonne à vide et ne donne qu’un son. La harpe de la musique classique occidentale est celle qui possède l’ambitus le plus élevé grâce à un grand nombre de cordes accordables en cours de jeu par un système de pédales actionnant des sortes de crochets.

            Il existe deux types principaux de harpes: arquée (la plus répandue), et fourchue.

 

Harpe arquée zandé (Afrique centrale)

                                              

           

            Le luth possède aussi ces trois éléments, cordes, manche caisse. Ce qui le définit est le fait que le manche se situe dans le prolongement de la caisse, et dans le même plan. Les cordes sont les unes à côté des autres, parallèles au plan que forme l’ensemble manche + caisse.

            La longueur du manche, la présence de frettes, la forme de la caisse... déterminent différents  sous-types.

            Le mode de mise en vibration est ici déterminant car c’est grâce à lui que l’on distingue les luths proprement dits (cordes pincées) des vièles (cordes frottées, ce qui implique la présence d’un archet). Un instrument comme la contrebasse, qui est jouée des deux manières à part égale, selon le style musical que l’on y exécute montre bien que cette famille est une à l’origine. D’ailleurs le violon (et sa famille) et la guitare auraient un ancêtre commun appelé vihuela.

            La disposition des cordes permet de les raccourcir (souvent avec l’aide du manche sur lequel les doigts du musicien prennent appui). Chaque corde donne un son à vide et un son correspondant à chacune des positions de doigts. Les combinaisons sont donc très nombreuses.

 La (ou le) tampura (ou tambura) à gauche et le sitar à droite. Cordophones indiens de type luth, associés le plus souvent à d'autres instruments (tels que les tablas), ils forment les instruments types de la musique classique de l'Inde du nord. La tampura servant de soutien rythmique, il ne fait pas autre chose qu'égrener en continu ses 4 notes bourdons. Le sitar est lui l'instrument mélodique et soliste le plus commun aujourd'hui. Il est muni de cordes sympathiques, de frettes amovibles. On considère que sa forme actuelle s'est fixée vers le XVIIème siècle. On trouvera sur ces instruments une littérature abondante, aussi je ne renvoie à aucun ouvrage en particulier.
Un problème organologique est soulevé ici: la
tampura est-elle un luth ou une citahre? Son manche étant creux,  on pourrait être en droit de penser qu'il s'agit soit du prolongement affiné de la caisse de résonance en forme de "boule" (calebasse), ou bien à l'inverse que la partie en "boule" serait une calebasse-résonateur ajoutée à une cithare tubulaire à l'origine… (Cl. ER).
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La photo détaille une partie du sitar indien : son chevalet plat (en comparaison aux chevalets fins des instruments occidentaux du même type). En corne de cerf, omoplate de chameau, ou matériaux plus communs aujourd'hui, c'est ce chevalet plat qui va donner à l'instrument sa résonance si caractéristique. Le deuxième chevalet visible sur la photo, au dessus du premier est celui qui correspond aux cordes sympathiques (on distingue les cordes mélodiques qui produisent la mélodie, des cordes sympathiques, cordes d'accompagnement, dont la vibration est entraînée par celle des cordes mélodiques). On ne trouve ce système de chevalet plat que sur les instruments indiens, certains instruments de l'est africain (par emprunt, sur certaines lyres d'Ethiopie, par exemple) ou sur des instruments occidentaux modernes (guitares modifiées).

On pourra lire (entre autres) sur le sujet, le rapport de DEA de Thierry Schmitt "Caractérisation des propriétés acoustiques des instruments à chevalet plat, cas de la rudra-vina" consultable notamment à la médiathèque de la cité de la musique à Paris. (Cl. ER)

Cliquez ici pour écouter un exemple (joué à la tampura) de sons joués sans et avec le chevalet plat (on a placé son doigt à l'extrémité haute du chevalet pour figurer un chevalet fin en début d'extrait, afin d'entendre la différence). Cliquez ici pour télécharger la dernière version gratuite du logiciel real player nécessaire à l'audition.

 


            La harpe-luth est un cas hybride. Le manche et la caisse sont dans l’alignement l’un de l’autre (caractéristique du luth) mais un chevalet à crans permet une disposition superposée des cordes comme sur la harpe. Cas typiquement africain, un bon exemple est celui donné par la kora. Si le terme harpe vient avant celui de luth, c’est bien parce que musicalement, le résultat sonore est celui d’une harpe. On ne peut pas raccourcir les cordes contre le manche étant donnée leur superposition.

 

Harpe-luth kora (instrument de l'Ouest-Afrique)

                                                          

            La lyre présente elle aussi ces trois éléments, cordes, manche et caisse. Le manche et la caisse ne sont pas dans le prolongement l’un de l’autre mais sont opposés face à face. Ils sont reliés par deux montants latéraux indispensables dans leur rôle de structuration de l’ensemble. Les cordes, que l’on pince, vont du manche (appelé joug) à la caisse et sonnent à vide, comme sur la harpe. On connaît un cas de lyre à cordes frottées en Scandinavie.

 

Lyre antique sumérienne.

                                                            

            La cithare enfin ne possède pas de manche. Les cordes, parallèles entre elles, sont disposées d’un bout à l’autre de la caisse.  Elles sont surélevées à une certaine distance de la caisse par un chevalet (mobile, pour changer l’accord, ou fixé sur la table de la caisse de résonance) individuel à chaque corde ou formant un "pont" supportant toutes les cordes.

            La forme de la caisse est très variable. Elle peut être pleine (cithare-bâton, en Inde...), creuse et ronde (cithare tubulaire, Madagascar...) ou en forme de parallélépipède (cithare sur caisse, Iran...) et sur table (présence de pieds, Hongrie...).

            Le mode de mise en vibration des cordes est le pincement (qanun arabe, koto japonais, clavecin) ou le frappement (santur persan, cymbalum hongrois, piano). Le joueur peut se servir des deux mains pour faire vibrer les cordes, ou bien d’une seule. Dans ce cas,  l’autre est libre pour raccourcir les cordes  en les appuyant contre la caisse à certain endroits déterminés. Dans le premier cas chaque corde sonne à vide. Dans le second, elles sont modulables.

            Une troisième possibilité, beaucoup plus rare, est le frottement. Le cas auquel on pense est celui de la vielle à roue (qui n’est donc pas une vièle même si elle doit bien-sûr son nom au fait que ses cordes sont frottées). Les cordes (visibles, en ce qui concerne les bourdons, ou dissimulées sous une sorte de boîtier avec boutons-poussoir pour changer la hauteur) sont bien tendues d’un bout à l’autre de la caisse. Au 18ès. on rencontre beaucoup de vielles faites à partir de caisses de luths ou de guitares récupérés. Une manivelle sur l’un des côtés permet d’entraîner un disque en bois recouvert de colophane qui frotte toutes les cordes.

            Le piano et le clavecin sont des cithares sur table au jeu mécanisé. Elles possèdent respectivement un système de marteaux (frappement) et de sautereaux  (pincement) actionnés par le biais du clavier.

 

Cithare radeau idiocorde. L'instrument est constitué uniquement de roseau et les cordes sont directement découpées dans le roseau (d'où l'appellation "idiocordes" - qui appartiennent à l'instrument même-). Il en résulte une grande fragilité et une sonorité peu puissante qui force à lui adjoindre souvent une calebasse en guise de caisse de résonance. L'instrument est connu essentiellement au Bénin où on le connaît sous différents noms : toba, yomkwo, etc. L'instrument peut jouer dans des ensembles ou être un instrument de musique plus intimiste. Sa nature idiocorde rapproche cette cithare d'une autre peut-être davantage connue : la valiha malgache qui est une cithare tubulaire. (Cl. ER). Cliquez ici pour écouter la cithare radeau idiocorde, ou ici pour télécharger la dernière version gratuite du logiciel real player nécessaire à l'audition.

 

Cithare tubulaire valiha de Madagascar.

 

            La harpe-cithare est un mélange de harpe, en raison d’un chevalet à crans qui superpose les cordes, et de cithare car il n’y a pas de manche: les cordes sont tendues d’un bout à l’autre de la caisse. Le mvet du Gabon est le principal représentant du type, à corde pincées.

            On voit que le fait de s’intéresser à la façon dont les éléments présents sont disposés les uns par rapport aux autres est très important car cela est déterminant pour la technique de jeu. On peut presque la deviner si on ne la connaît pas (ce qui peut être le cas dans un musée avec des instruments non référencés).     

      

Récapitulatif

1 - arc musical

Une corde tendue  entre les deux bouts d’une branche.

2 - pluriarc

Plusieurs arcs rassemblés dans une caisse.

3 - harpe

Cordes tendues entre une caisse de résonance et un manche droit ou courbe formant un angle. Cordes perpendiculaires au plan de l’instrument (superposées).

            harpe-luth:  caisse et un manche droit situé dans le même plan rectiligne.

            harpe-cithare: cordes superposées sur une caisse seulement.

4 - luth

Cordes pincées tendues  entre une caisse et un manche droit situé dans le même plan. Cordes parallèles.

            harpe-luth: cordes superposées, plan perpendiculaire.

5 - vièle

Cordes frottées tendues entre une caisse et un manche droit situé dans le même plan. Cordes parallèles.

6 - lyre

Cordes tendues entre une caisse et un manche opposés, reliés par deux montants.

7 - cithare

Cordes parallèles tendues d’un bout à l’autre d’un corps de résonance.

            harpe-cithare: cordes superposées, plan perpendiculaire.

 

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